Témoignage datant de janvier 1986 de Michel Berger à Christophe
Dechavanne suite à la disparition de Daniel Balavoine.
C'était dans
l'émission "C'est encore mieux l'après-midi" qui rendait hommage à
Daniel.
Christophe Dechavanne: Michel ça faisait à peu près 8 ou 9 ans que vous
connaissiez Daniel ?
Michel Berger: Oui, je l'ai rencontré parce qu'on faisait un spectacle
qui s'appelait Starmania et il avait été pressenti pour faire le rôle
principal.
C.D.: Ca a été ses débuts alors Starmania ?
M.B.: Non, il avait fait des disques. Il avait fait un disque qui
était absolument formidable sur le mur de Berlin. C'était l'histoire de
deux frères qui étaient chacun d'un côté du mur. Moi j'avais le projet
de faire ça en spectacle, avec lui d'ailleurs. L'histoire de deux frères
qui sont chaque côté d'un mur dans un pays partagé. Ca représentait tout
à fait l'idée de Daniel c'est-à-dire faire un disque en faisant un style
de musique et dire des choses en même temps.
C.D.: Et puis Daniel aussi, vous êtes allés un jour avec lui, c'était
à Wembley pour les concerts de "Band Aid" ?
M.B.: Oui, là vous passez....
C.D.: Je passe quelques années, oui... C'est juste pour situer un
petit peu l'action que vous avez faite ensemble rapidement. Vous vous
êtes dits, il n'y a pas de raison que les français ne... ?
M.B.: Oui, il marchait beaucoup par colère, et ça c'est une colère
qu'on a partagé à Wembley...le fait qu'il y avait des gens du monde
entier pour faire quelque chose d'utile et de généreux pour l'Afrique et
que la France n'était absolument pas représentée.
C.D.: D'où le démarrage d'Action Ecole etc...tout ce que vous avez
fait après ?
M.B.: Oui, absolument ?
C.D.: Vous n'avez pas eu envie, un jour, de faire un concert avec lui
?
M.B.: Enfin...c'était plus qu'un concert. On avait beaucoup de projets
ensembles. Enfin...je ne sais pas si c'est tellement intéressant de
parler de ça aujourd'hui. Il vaut mieux parler de ce qu'il a fait. C'est
vrai, parce que je crois qu'on a un petit peu été une génération qui
avait envie de faire des choses ensembles. C'est vrai sur plein de
choses...dans les disques...on chantait ensembles. Dans tous les
concerts, on était quelques chanteurs comme ça, à faire des choses
ensembles. Alors qu'avant c'était vraiment beaucoup chacun pour soi. Ca
je crois que ça a fait avancer les choses parce que maintenant c'est
quelque chose qui arrive beaucoup plus souvent qu'avant.
C.D.: Alors lui, il avait déjà une particularité dans les chanteurs
français...je crois d'ailleurs que c'était lui qui l'avait instauré...il
chantait sur scène avec un petit casque H.S. et puis un petit micro
devant la bouche
M.B.: C'est plus que ça. C'est que c'est quelqu'un pour qui le
spectacle, et son métier en général, étaient quelque chose comme un
combat. Il essayait d'avoir des choses nouvelles, d'avoir ce qu'il y
avait de mieux sans arrêt. Il y avait une espèce de demande intérieure
pour avoir ce qu'il y avait de mieux sans arrêt.
C.D.: Mais, mise à part le côté combat, est-ce qu'on peut dire qu'il
avait chez-lui une caractéristique artistique, c'est-à-dire que c'était
peut-être un chanteur pas comme les autres ?
M.B.: C'était absolument un chanteur pas comme les autres. Ca a été un
des premiers chanteurs à être complètement décomplexé par les américains
et les anglais. Les disques qu'il a faits, c'était du niveau tout à fait
des américains et des anglais. Il le savait. Il était content de chanter
en français. Dire ce qu'il avait à dire là où il était. C'est vrai
qu'avant, il y avait une génération de chanteurs qui ont essayé de
copier les anglais.
C.D.: Vous l'avez fait ça ?.
M.B.: Moi, je suis revenu déjà à un moment où on commençait à essayer
de faire autre chose.
C.D.: Ca ne l'a pas empêché de travailler beaucoup en Angleterre. De
faire ses mixages dans des studios anglais quand même, comme beaucoup de
chanteurs français, d'ailleurs ?
M.B.: Il avait un projet formidable, c'était de faire un groupe
international. Ca montre bien que maintenant, il n'y a pas un énorme
décalage dans les moyens techniques et dans la qualité d'un
disque entre ce que l'on peut ici et ailleurs, et il l'a montré ?.
C.D.: J'avais eu avec lui, le même débat que j'ai eu avec vous, sur le
fait que les chanteurs en France avaient quelques réticences à chanter
en direct dans les émissions de télévision ?
M.B.: Oui, il avait vraiment raison. Il avait envie d'une qualité
technique quand il travaillait
C.D.: Pour conclure ?.
M.B.: On ne peut pas conclure parce qu'on continuera à écouter ce que
faisait Daniel pendant longtemps. Il était ce qu'il chantait. Il n'y
avait aucune différence entre ce qu'il chantait et ce qu'il était dans
la vie. Et ça, c'est quelque chose de très rare. Il faut essayer d'en
profiter en écoutant ce qu'il fait.
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