Témoignage de Lionel Rotcage donné à Isabelle Cauchois pour l'hebdomadaire "Télé 7 Jours",
début 1986, après la mort de Daniel.

"C'est encore mieux l'après-midi" Témoignage datant de janvier 1986 de Michel Berger à Christophe Dechavanne

Article paru dans le "Paris-Match" du 31 janvier 1986




Témoignage datant de janvier 1986 de Michel Berger à Christophe Dechavanne suite à la disparition de Daniel Balavoine.
C'était dans l'émission "C'est encore mieux l'après-midi" qui rendait hommage à Daniel.


Christophe Dechavanne: Michel ça faisait à peu près 8 ou 9 ans que vous connaissiez Daniel ?

Michel Berger: Oui, je l'ai rencontré parce qu'on faisait un spectacle qui s'appelait Starmania et il avait été pressenti pour faire le rôle principal.

C.D.: Ca a été ses débuts alors Starmania ?

M.B.: Non, il avait fait des disques. Il avait fait un disque qui était absolument formidable sur le mur de Berlin. C'était l'histoire de deux frères qui étaient chacun d'un côté du mur. Moi j'avais le projet de faire ça en spectacle, avec lui d'ailleurs. L'histoire de deux frères qui sont chaque côté d'un mur dans un pays partagé. Ca représentait tout à fait l'idée de Daniel c'est-à-dire faire un disque en faisant un style de musique et dire des choses en même temps.

C.D.: Et puis Daniel aussi, vous êtes allés un jour avec lui, c'était à Wembley pour les concerts de "Band Aid" ?

M.B.: Oui, là vous passez....

C.D.: Je passe quelques années, oui... C'est juste pour situer un petit peu l'action que vous avez faite ensemble rapidement. Vous vous êtes dits, il n'y a pas de raison que les français ne... ?

M.B.: Oui, il marchait beaucoup par colère, et ça c'est une colère qu'on a partagé à Wembley...le fait qu'il y avait des gens du monde entier pour faire quelque chose d'utile et de généreux pour l'Afrique et que la France n'était absolument pas représentée.

C.D.: D'où le démarrage d'Action Ecole etc...tout ce que vous avez fait après ?

M.B.: Oui, absolument ?

C.D.: Vous n'avez pas eu envie, un jour, de faire un concert avec lui ?

M.B.: Enfin...c'était plus qu'un concert. On avait beaucoup de projets ensembles. Enfin...je ne sais pas si c'est tellement intéressant de parler de ça aujourd'hui. Il vaut mieux parler de ce qu'il a fait. C'est vrai, parce que je crois qu'on a un petit peu été une génération qui avait envie de faire des choses ensembles. C'est vrai sur plein de choses...dans les disques...on chantait ensembles. Dans tous les concerts, on était quelques chanteurs comme ça, à faire des choses ensembles. Alors qu'avant c'était vraiment beaucoup chacun pour soi. Ca je crois que ça a fait avancer les choses parce que maintenant c'est quelque chose qui arrive beaucoup plus souvent qu'avant.

C.D.: Alors lui, il avait déjà une particularité dans les chanteurs français...je crois d'ailleurs que c'était lui qui l'avait instauré...il chantait sur scène avec un petit casque H.S. et puis un petit micro devant la bouche

M.B.: C'est plus que ça. C'est que c'est quelqu'un pour qui le spectacle, et son métier en général, étaient quelque chose comme un combat. Il essayait d'avoir des choses nouvelles, d'avoir ce qu'il y avait de mieux sans arrêt. Il y avait une espèce de demande intérieure pour avoir ce qu'il y avait de mieux sans arrêt.

C.D.: Mais, mise à part le côté combat, est-ce qu'on peut dire qu'il avait chez-lui une caractéristique artistique, c'est-à-dire que c'était peut-être un chanteur pas comme les autres ?

M.B.: C'était absolument un chanteur pas comme les autres. Ca a été un des premiers chanteurs à être complètement décomplexé par les américains et les anglais. Les disques qu'il a faits, c'était du niveau tout à fait des américains et des anglais. Il le savait. Il était content de chanter en français. Dire ce qu'il avait à dire là où il était. C'est vrai qu'avant, il y avait une génération de chanteurs qui ont essayé de copier les anglais.

C.D.: Vous l'avez fait ça ?.

M.B.: Moi, je suis revenu déjà à un moment où on commençait à essayer de faire autre chose.

C.D.: Ca ne l'a pas empêché de travailler beaucoup en Angleterre. De faire ses mixages dans des studios anglais quand même, comme beaucoup de chanteurs français, d'ailleurs ?

M.B.: Il avait un projet formidable, c'était de faire un groupe international. Ca montre bien que maintenant, il n'y a pas un énorme décalage dans les moyens techniques et dans la qualité d'un disque entre ce que l'on peut ici et ailleurs, et il l'a montré ?.

C.D.: J'avais eu avec lui, le même débat que j'ai eu avec vous, sur le fait que les chanteurs en France avaient quelques réticences à chanter en direct dans les émissions de télévision ?

M.B.: Oui, il avait vraiment raison. Il avait envie d'une qualité technique quand il travaillait

C.D.: Pour conclure ?.

M.B.: On ne peut pas conclure parce qu'on continuera à écouter ce que faisait Daniel pendant longtemps. Il était ce qu'il chantait. Il n'y avait aucune différence entre ce qu'il chantait et ce qu'il était dans la vie. Et ça, c'est quelque chose de très rare. Il faut essayer d'en profiter en écoutant ce qu'il fait.





Témoignage de Lionel Rotcage donné à Isabelle Cauchois pour l'hebdomadaire "Télé 7 Jours", début 1986, après la mort de Daniel. Lionel Rotcage était le Responsable de l'antenne française de l'association "Band Aid".
Il rencontre Daniel Balavoine en septembre 85, à Wembley, en Angleterre, lors d'un concert pour l'Ethiopie organisé par Bob Geldorf. Sont également présents, Michel Berger, France Gall, Richard Berry et Jean-Jacques Goldman, entre autres.
De cette dynamique d'équipe naît, fin 85, "Action Ecole". Lionel Rotcage est le fils de la chanteuse Régine.
Les propos de Lionel Rotcage mettent bien en évidence l'engagement humanitaire de Balavoine et laisse entrevoir des aspects plus intimes du personnage.


"...Daniel était d'une générosité incroyable...Quand je lui ai proposé de nous aider, et même de participer à un petit film, que nous avons tourné pour TF1 et Canal Plus, pour mieux nous faire connaître, il ne s'est pas contenté d'ajouter son nom à la liste. Il a aussitôt entraîné ses amis Michel Berger, France Gall, Richard Berry et, pour que ça réussisse, a travaillé comme un fou. Non seulement il en parlait à chaque interview, mais il provoquait les occasions d'en dire plus.
Alors qu'il avait un disque qui marchait très bien, une chanson "L'Aziza", qu'il devait chanter et défendre à la radio, à la télévision, qu'il avait des responsabilités familiales avec son fils Jérémy et Corinne, sa femme, qui attendait un second enfant. Son temps, il nous le donnait en priorité.
Je me souviens notamment du jour où nous avons tourné le film "Action-Ecole". Nous étions en retard. Il s'en moquait. Le reste pouvait bien attendre..."

(A propos de Wembley)

"...Nous nous sommes retrouvés à la même table. Daniel était avec Michel Berger, France Gall et Jean-Jacques Goldman. Moi, au côté de Serge Loupien, avec lequel j'avais écrit, dans "Libération", un article assez dur où nous nous interrogions sur la destination réelle des fonds collectés pour l'Ethiopie, à travers plusieurs opérations humanitaires. Ce qui m'a plu tout de suite chez Daniel, c'est son manque total d'orgueil, de fausse vanité. En discutant, nous ne nous sommes pas ménagés. Il a su passer outre. Ca doit être ça l'intelligence...la véritable intelligence.
Du coup, Daniel m'a demandé de le conseiller pour que les bénéfices du concert pour l'Ethyopie, qu'il organisait avec d'autres chanteurs français en Octobre, à la Courneuve, aillent bien aux bénéficiaires. Daniel était quelqu'un de très dynamique, de très positif aussi. Il avait l'habitude de construire, d'organiser. Quand j'avais des problèmes de négociations, il savait parfaitement comment faire pour présenter les choses différemment à nos interlocuteurs et me redonner "la pêche". Qu'il chante, qu'il écrive, qu'il fasse n'importe quoi, Daniel s'impliquait complètement. C'est très rare de rencontrer quelqu'un comme ça, et très vite, nous sommes devenus deux amis.
Nous nous sommes rencontrés de plus en plus souvent, avec Michel, France et Richard. Je me souviens d'un dîner chez Richard, justement, où Daniel jouait avec son fils Jérémie, mais aussi avec ceux de Michel et France et de Richard et Jeane (Manson). Avec lui, les gosses se marraient tout de suite. Ce qui me plaisait aussi en Daniel, c'est la complicité qui existait entre lui et sa femme Coco. Il avait plein d'attentions pour elle. Il ne décidait rien sans la regarder, sans en parler avec elle...Il avait réservé, par avance, tous les droits de la chanson "Un enfant assis attend la pluie", c'est-à-dire au moins 300 000 francs, à cette opération pour l'Afrique.
Je lui avais dit qu'il fallait que les constructeurs s'impliquent aussi dans l'opération. Il a su les convaincre. Dire que c'est moi qui lui ai conseillé de suivre jusqu'au bout l'opération en allant sur place, en Afrique, rejoindre Thierry Sabine et le Paris-Dakar. il est parti. Je n'ai même pas eu l'occasion de lui dire que nous en étions à 13 000 comités dans les écoles. J'attendais son retour, le 19 janvier, pour le lui apprendre. Il aurait été heureux de le savoir, même si, pour lui, ce qui importait, c'était ce que ça déclencherait à long terme, dans les années à venir, sur le comportement des enfants vis-à-vis des autres...".




Article paru dans le "Paris-Match" du 31 janvier 1986. Pendant de nombreuses années, la romancière Florence Aboulker a tenu un rôle de conseillère privilégiée auprès des stars modernes du show-business.
Un jour, dans les choeurs de Patrick Juvet, elle remarque un garçon plein de tonus, de vitalité et de joie de vivre, c'est Daniel Balavoine.
Il a 20 ans. Elle l'encourage à se lancer dans la chanson et parraine ses débuts. Entre eux naît une amitié vraie qui ne prendra jamais fin.


Tu disais tout le temps : "Dans quelle galère on s'est encore plongés ? ".
Je me demande si tu n'avais pas inventé ce mot, la galère.
Notre première grande galère, pour moi la plus belle, c'était en novembre 1973. Patrick Juvet à l'Olympia.
Nous avions commencé à répéter en octobre.
Tu te souviens, Daniel ?.
On t'appelait "balle de foin", "balle à son", "balle d'avoine".
Tu étais si jeune, si rondouillard, tu chantais si fort, si présent, si aigu.
Sur le "live" de Juvet, déjà on entend que toi, le petit choriste.
Dans quelle galère tu nous plonges tous, Daniel.
Depuis la semaine dernière, il n'y a que des vagues de souvenirs, de rires, de musique, de studios, à Londres, à Toulouse, un peu partout.
Des souvenirs de toi, de notre campagne à Bonfruit, avec un fichu sur la tête, jouant au ping-pong avec mes deux fils, tes amis.
Inacceptable.
Ta mort ne passe pas. Révoltée, je la refuse.
Cette fois-ci le spectacle ne continue plus.
C'est trop, "c'est too much".
Depuis la semaine dernière, je m'interroge.
Si on tue maintenant ceux qui font du bien aux autres, que veut dire la vie, cette course à la gloire, cet amour des projecteurs ? .
Ta mort, Daniel, remet en cause notre vie, nos disputes, nos chagrins d'amour, tous nos maux que l'on trouve si importants, et nos rêves aussi, nos étoiles dans les yeux.
Depuis la semaine dernière, les larmes et tous les pourquoi défilent sans réponse.
Premier souvenir de toi. Ton visage de bébé, que tu caches sous une masse de cheveux bouclés, où on ne voit que tes yeux.
Tu ressembles à ces terre-neuve, ces chiens qui sauvent les marins.
Rien n'était encore bien décidé. Tu n'étais pas sorti de l'enfance.
Sauf ton caractère. Ton caractère de grand chien fou, mordant avec tendresse ou rage.
Et ton rire. Tu riais, tu nous faisais rire.
Tu habitais la chambre en bas à gauche de notre maison de campagne, que tu aimais tant parce que nous vivions en famille de musique.
On te traitait de galopin.
Mais, la nuit, lorsque Juvet abandonnait enfin son piano, dans la grande salle de musique, où avec vos amis vous vous amusiez à briser les vitres des voisins de trop de sons, de trop de notes, tu retrouvais le piano muet et tu jouais la nuit entière.
Je me souviens de ta toute première chanson. Elle durait une minute et demie. Elle s'appelait "Elle reprisait mes chaussettes". Cette chanson là, tu me l'as dédiée.
Tu t'étais installé chez nous. Entre nous. Et j'ai l'impression que tu nous avais adopté tout autant que tu faisais partie de la famille.
Et puis ça se confond.
Et les tournées, et les galas, et les chapiteaux et les "champs de betteraves" comme nous appelions ces endroits où nous partions chanter.
Ca a duré un an. Peu à peu, Patrick et toi, vous étiez devenus comme des frères .
Le grand blond et le petit brun.
Et puis il y eut ce jour où, avec Andy Scott, nous t'avons repêché tout raide de la piscine, après un sauna trop chaud. J'ai eu peur.
Les présages, les signes. La maison a été vendue en catastrophe, pour éviter d'autres catastrophes.
Et toi, tu riais, tu faisais des jeux de mots idiots. Et nous partagions ensemble les caprices de notre star. Tu disais que quand tu serais star, tu ne ferais pas de caprices.
Tu as tenu parole.
Tu bavais une façon bien à toi de dire des choses vraies, même si elles ne faisaient pas toujours plaisir.
Et puis, en 1974, il y a eu cet album "Chrysalide". Tu en as écrit tous les textes avec Juvet. Nous avions décidé de te donner ta première chance. Cette chance là s'appelait "Couleurs d'automne".
Il y avait aussi "C'est beau la vie". Les enfants la chantaient. Tu l'avais voulu ainsi.
Déjà : c'est beau la vie. Mais on ne sait rien entendre, rien écouter, même si notre métier n'est fait que de mots, d'écoute, de sons.
La vie, tu n'as pas arrêté de la chanter.
Mais si on écoute bien tes chansons, ce que j'ai fait comme des centaines de milliers de gens, on découvre que derrière cette soif de vivre, il y a une prescience de la mort : "Je cours, je me raccroche à la vie".
A Toulouse, aux Studios Condorcet, les poings serrés, les yeux clos, tu la chantes ta chanson "Couleurs d'automne". J'étais alors son auditrice. Je deviens son producteur. Nous avons signé un contrat à vie. Mais déjà "à vie" dans les contrats, ça n'existe pas.
Ta vie à toi commençait pour de vrai dans le show-biz, la mienne allait prendre fin.
J'en avais assez des nuits sans sommeil, des paillettes, des trahisons et des morts symboliques.
Nous avons pourtant pris le temps ensemble de trouver ton premier look. Et puis j'ai quitté le métier et tu m'en as voulu longtemps.
Tu avais l'amitié tenace et les rancunes fières. Pour moi, tu étais mon petit.
Et ce petit-là venait d'entrer dans sa nouvelle famille, Léo Missir et Andy Scott. C'était aussi notre famille.
Tu étais fâché, mais tu as mis à mon cou un petit Snoopy d'or, semblable à celui que tu portais et qui te protégeait.
Et on s'est dit bon vent.
Tu as écrit tes chansons. J'ai écrit des romans.
La dernière fois que je t'ai vu, c'était un printemps, il y a peu d'années.
Tu venais de rencontrer Corinne, tu étais amoureux. Ce soir là, je t'ai vu heureux.
Tu m'en voulais un peu de ne pas t'avoir accompagné tout au long de ta route qui, au bout de trois albums, devenait magique.
Tu n'aurais pas dû nous mettre dans une telle galère.
Cette mort-là, la tienne, elle reste en travers de la gorge.
Parce que si j'avais su que c'était si court, cette vie, on aurait fait l'amitié autrement.

Merci à Mondony pour ces retranscriptions.

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